Plaidoyer pour réformer un foncier souverain et revaloriser le monde agricole
Je suis intervenu mercredi 12 mai en Commission des affaires économiques dans l’examen de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires.
Alors qu’une réforme du foncier agricole était attendue depuis 2017, le quinquennat accouche finalement d’une simple proposition de loi dont la principale mesure est une autorisation administrative pour la prise de contrôle des sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles… Si cette mesure va dans le bon sens, elle ne suffira pas à soutenir les jeunes agriculteurs qui ont beaucoup de mal à s’installer !
La loi du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, portée par mon collègue Dominique POTIER, avait voulu étendre le droit de préemption des SAFER aux parts sociales et cessions partielles. Elle était notamment motivée par l’achat de 1 700 hectares de terres agricoles par des investisseurs chinois dans l’Indre. Mais ce dispositif avait été censuré par le Conseil constitutionnel.
Il fallait donc légiférer d’urgence car de plus en plus d’opérations visent la cession partielle des titres des sociétés tout en permettant le contrôle mais sans possibilité d’exercer le droit de préemption. Et le phénomène d’augmentation des tailles des exploitations et de circulation du foncier a vocation à s’amplifier : 50% des agriculteurs partiront à la retraite d’ici 2026, le nombre des exploitations agricoles a été divisé par 5 depuis 1955 (452 000 en 2013), la surface moyenne des exploitations a doublé entre 1988 et 2013 et les ⅔ de la surface agricole utile (SAU) sont exploités par des sociétés.
Mais, au-delà de la question foncière, il faut aussi revaloriser le monde agricole pour tenir notre rang, en améliorant le revenu agricole via le rééquilibrage des relations commerciales, en simplifiant les démarches administratives et en garantissant une certaine stabilité réglementaire, en modernisant et en faisant connaître les formations agricoles à tous les jeunes (pas seulement les ruraux), et en continuant une politique de transition écologique apaisée et concertée de l’agriculture pour correspondre aux nouvelles attentes de la société.
Voici le texte prévu pour mon intervention (seul le prononcé fait foi) :
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mes chers collègues,
La loi Sapin II en 2016 et la loi sur l’accaparement des terres agricoles en 2017 furent des tentatives de réguler les mouvements du foncier agricole mais qui ont été censurés par le Conseil constitutionnel. Espérons que cette fois-ci la solidité du dispositif juridique aura été soigneusement étudiée. Ce qui semble être le cas, l’avis du Conseil d’Etat l’ayant souligné et je souhaite en profiter pour saluer le travail du rapporteur.
Ces lois avaient notamment été motivées par l’achat de 1 700 hectares de terres agricoles par des investisseurs chinois dans le département de l’Indre. Il faut nous défendre face à des stratégies agressives et concertés de mettre la main sur nos ressources naturelles, ce qui ne représente qu’une part minoritaire des investisseurs étrangers. Il est bon de rappeler que des sociétés françaises rachètent des surfaces équivalentes en Ukraine ou en Roumanie, contribuant à la modernisation de leurs exploitations.
Le constat que l’on peut porter sur notre agriculture française est donc le suivant : l’agriculture française est insuffisamment valorisée et en perte de vitesse face à la concurrence internationale. L’excédent agricole français tend même à disparaître.
Avec plus de 50% des exploitants agricoles qui vont partir à la retraite dans les 10 ans, le phénomène d’augmentation des tailles des exploitations et de circulation du foncier ne pourra que s’accentuer.
De plus en plus d’opérations sur le foncier visent la cession partielle des titres des sociétés, permettant ainsi le contrôle, mais sans possibilité pour les SAFER d’exercer leur droit de préemption.
Cette proposition de loi apporte donc une réponse à ce dernier point, en les soumettant à une autorisation administrative. Le groupe UDI soutient cette initiative. Ce renforcement du pouvoir des SAFER peut légitimement susciter des inquiétudes et nous souhaiterions connaître les moyens de contrôle.
Car le phénomène de concentration et d’accaparement des surfaces agricoles pose question, car, de la maîtrise des terres agricoles, dépendra notre souveraineté alimentaire et l’autonomie des agriculteurs.
Si ce texte ne résout pas tout, il comble une lacune juridique après plusieurs échecs.
Mais nous souhaiterions néanmoins être rassurés quant à la bonne prise en compte des caractéristiques propres à l’élevage dans ce dispositif.
Nous regrettons néanmoins que le Gouvernement n’ait pas privilégié un grand texte sur le foncier agricole avec un peu plus d’audace et d’imagination : l’accumulation de petites réformes crée un manque de cohérence, de clarté et donc de vision sur cette thématique.
Au-delà de la question du foncier, il persévérer dans la revalorisation du monde agricole pour tenir notre rang en améliorant le revenu agricole et rééquilibrer les relations commerciales, en simplifiant les démarches administratives et en garantissant une certaine stabilité réglementaire, en modernisant et en faisant connaître les formations agricoles à tous les jeunes, pas seulement les ruraux.
Je vous remercie.